Discrètement logé dans une rue connectée à la place Saint-Barthélemy, c’est un lieu métissé entre café, carrefour social et salle d’exposition. Depuis qu’il a été créé, il y a 10 ans, le Cupper Café attire une tribu d’habitués gravitant autour du quartier ou dans la sphère musicale et culturelle. Depuis, ce petit pôle d’animation local, monté en asbl, vit sa vie au fil des petits concerts, des expositions ou des palabres sur son seuil, les soirs d’été. Et se félicite même d’avoir exposé plus de 150 jeunes artistes.
Mais évidemment, à Liège, il est difficile d’organiser des activités régulières autour d’un bar, en évitant toute envolée festive et les quelques débordements inhérents. En théorie, la musique cesse à 22h et ça ferme à minuit. Si la programmation globale semble relativement sobre, les soirées avec DJ et surtout les célèbres karaokés engendrent des frictions avec certains voisins directs gênés par les ambiances bruyantes. En 2017 déjà, une fermeture d’un mois avait été ordonnée suite à des plaintes pour tapage nocturne Après quatre semaines de fermeture en janvier pour une question de patente, le Cupper Café a de nouveau été fermé un mois, entre le 13 octobre et le 13 novembre, par décision du bourgmestre, suite à des plaintes du voisinage et à des constats de police. “Je suis conscient des conséquences lourdes que ça peut avoir. Mais c’était justifié. Il y a eu 6 ou 7 plaignants qui étaient véritablement dérangés depuis plusieurs mois par les débordements bruyants de ce qui s’apparente plus à un café qu’à une galerie d’art“, étaye Willy Demeyer.
Mais, parmi les plaignants, se trouve l’ex-présidente (socialiste) du CPAS, Marie-France Mahy. Alors, pour les patrons du Cupper Café, le raccourci est vite fait: celle-ci utiliserait ses appuis politiques pour faire fermer à tout prix l’établissement. “On ajoute même sur les réseaux sociaux que je suis folle et que je fais partie d’une mafia“, se désole cette dernière. “Quand j’ai emménagé il y a un an, je savais qu’il y avait un café, mais pas des karaokés jusque tard dans la nuit. Le son passe par l’intérieur des bâtiments, jusque dans mon salon et ma chambre. Je suis vraiment dérangée et très ennuyée, d’autant que je n’ai vraiment rien contre la vie culturelle. Au contraire! Ce que je souhaite, c’est simplement un niveau sonore normal après 22h.“, explique celle qui dément avec sincérité user d’un pouvoir politique qu’elle n’a pas et d’une proximité avec le bourgmestre qui n’est pas celle qu’on imagine.
Dans la foulée, mais aussi probablement dans un élan de colère, des responsables ou des sympathisants du café-galerie-concert ont d’ailleurs aussi laissé entendre ça et là (et notamment en l’écrivant sur la devanture fermée de leur établissement) que le bourgmestre lui-même serait corrompu. Celui-ci en est informé, fait constater par la police, et dépose plainte.
Si la nouvelle convocation, ce lundi, auprès du directeur général adjoint de la Ville, débouche sur une nouvelle fermeture, celle-ci pourrait finir par devenir définitive. Mais derrière ces mesures de police administrative, se pointe un problème récurrent en Cité ardente: choisir entre une caractéristique vie animée au centre-ville et le droit des habitants -même minoritaires- à vivre et dormir tranquillement chez eux. Le bourgmestre, lui, assume privilégier la fonction logement de certains quartiers, sans toutefois vouloir tuer toute vie culturelle et des endroits plus festifs comme le Carré.
Du point de vue de certains soutiens du Cupper Café et d’une vie culturelle et festive justement, la pilule est amère: “Peut-on soudainement après 10 ans considérer qu’une activité est problématique alors qu’on l’a laissée se développer sans problème jusque-là ? Sur quels critères ? Est-ce opportun de pratiquer une politique de ville-dortoir au moment où le centre-ville est déjà déserté et insécurisé par une gestion sauvage des travaux et une situation sociale explosive ? Pourquoi voir un problème dans ce qui est au moins en partie une solution ?“, s’interroge Julie.
Romain Cupper, le gérant du lieu, l’assure: ils font maintenant très attention. “Les plaintes sont le fait d’une minorité. Les lieux culturels doivent avoir une petite activité commerciale pour se financer car tous n’ont pas l’opportunité d’être subventionnés. Mais nous sommes prêts à garantir une fermeture tous les jours avant 22h et à n’organiser événements que deux fois par mois jusqu’à 1h du matin“. Sera-ce suffisant et convaincant? En attendant, le Cupper Café, qui reçoit de nombreux soutiens, mobilise, se dit prêt à une relance de la médiation et a lancé une pétition. Mais la solution ne se construirait-elle pas aussi avec un octroi de subsides ?
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