Pour sûr, c’était bien avant la pose des rails du tram. Témoin des aléas de l’histoire régionale, symbole de Liège, le Perron reste un monument à découvrir, avec ses faces ignorées et parfois cachées. Ainsi en 1693, alors qu’une tempête a renversé le perron, la ville de Liège va confier au sculpteur Jean Del Cour le soin de le réparer et de transformer la fontaine de la place du Marché. Celui-ci se charge des sculptures en marbre blanc, qu’il a fait venir de Carrare. Il va élaborer les Trois Grâces qui coiffent le perron et soutiennent la pomme de pin. (Après restauration du monument en 2018, l’original en marbre se trouve désormais visible au musée Curtius, après plus de trois siècles de bons et loyaux offices.)

Pour la fontaine, achevée en 1697, Jean Del Cour va tailler les mascarons et surtout six bustes de figures allégoriques, inspirées de l’église Sainte-Bibiane, construite par le Bernin à Rome, vers 1624. Les manteaux des bustes féminins, transparents, sont attachés avec des agrafes, comme à l’antique. Ces six bustes, ornés de fleurs, de fruits et d’épis de blé dans les cheveux, indiquent que quatre d’entre elles pourraient être la personnification des saisons. Par sa chevelure ornée de lauriers, une autre figure serait l’emblème de la gloire, tandis que la dernière, coiffée d’une tête de lion symboliserait le courage. Elles ne sont toutefois restées en place que vingt ans, puisqu’en 1717, pour répondre à la pudeur exagérée du prince-évêque d’alors, les deux bourgmestres font transporter ces six bustes dans l’Hôtel de Ville !

Ils y sont toujours, visibles aux yeux des visiteurs, curieux de lever la tête dans la grande salle des pas perdus. Ces bustes sont également représentés sur la miniature de Léopold Harzé, réalisée en 1859 et conservée au Musée de la Vie Wallonne. Autour de la fontaine, on voit se presser marchands et artisans, les porteuses d’eau se mêlant aux enfants qui jouent. Cette représentation contribue à rendre le perron vivant, tel qu’il était le coeur battant de la cité ardente. Les multiples vies du perron font l’objet d’un ouvrage à paraître en 2024.

(Merci à Jean Philippe Moutschen)




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