C’était déjà son antienne lorsqu’elle siégeait en tant que conseillère communale, demandant que le marché dominical soit inscrit comme chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de la Fédération Wallonie-Bruxelles. “Beaucoup de personnes regrettent qu’on ne trouve plus certains vendeurs et qu’il y a parfois une perte de chaleur humaine“, répétait-elle. Devenue échevine du Commerce, la libérale Elisabeth Fraipont ne dit pas autre chose, à l’heure où cette institution datant de 1663 va être quelque peu perturbée par les travaux du tram.

J’aimerais retrouver la Batte d’antan“, réaffirmait donc l’échevine à l’entame de l’été, en souhaitant y amener des artisans, des producteurs en circuit court, des groupes folkloriques et des artistes.

Mais les commerçants qui vivent la réalité de la batte chaque dimanche voient cela comme un doux rêve. “Cette batte-là ne reviendra pas“, balaye un marchand de produits italiens âgé de 53 ans qui a commencé à y travailler dès l’âge de 13 ans. “C’est vrai qu’à un moment il y avait des fanfares ou des orgues de Barbarie. Mais aujourd’hui le marché n’est plus un passage obligé pour les Liégeois car les grandes surfaces commerciales ont pris leur place dans presque toutes les communes et beaucoup de commerces sont ouverts le dimanche. Du coup, l’offre commerciale de la Batte s’est réduite, où on ne trouve par exemple plus qu’un boucher et un poissonnier.

Pour Christian Schreoders (66 ans), marchand de fruits et légumes depuis 1975 sur notre marché dominical, la clientèle a beaucoup changé et la majorité cherche des produits les moins chers possible. Cela se confirme d’ailleurs pendant notre brève interview, où deux personnes différentes ont cherché à négocier le prix de caisses de fruits. “Certains proposent de la marchandise venant de fonds de frigos vendus par des bateaux pressés de repartir“, raconte-t-il. Du coup, l’offre s’adapte vers le bas et le marché perd de sa valeur économique mais aussi relationnelle.

Avec ses 4 à 5 millions de visiteurs annuels, la Batte ne manque pas de badauds chaque semaine. Mais l’on y croise bon nombre de touristes et de personne qui y déambulent simplement pour le plaisir. Du point de vue de plusieurs commerçants, sa pérennisation demanderait (sans surprise) une diminution des coûts et l’allègement de certaines contraintes pour les vendeurs (règles sanitaires trop strictes, horaires…). Cela permettrait peut-être, selon eux, d’en attirer de nouveaux et de relancer l’intérêt économique de la manifestation.

Mais beaucoup doutent que ce soit en la truffant de concerts et d’animations commandées qu’elle puisse retrouver une “âme d’antan”… qui était avant tout ancrée dans sa fonction utilitaire. Les vendeurs de poires cuites, d’animaux de basse-cour ou les inventeurs amateurs, eux, ne reviendront guère. Simplement parce que le monde a changé.


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