Il s’agit d’un édifice patrimonial classé. Dans l’idéal, il faudrait le conserver et le rénover tel quel. Mais qui pousserait à investir des millions d’argent public dans un lieu uniquement destiné à accueillir des pratiquants catholiques, qui se font rares? Si elle dépérit au fil des ans, depuis le dernier office célébré en 1999, cette église inaugurée en 1936 le fait en silence. Une tranquillité qui convient finalement bien à certains riverains proches, libres d’y faire jouer leurs enfants et d’y promener leur chien à ses abords. Ou même d’y stationner leur véhicule lorsque les trottoirs des rues avoisinantes sont trop encombrés.
Heureusement, l’évêché de Liège, propriétaire du lieu, a choisi un destin moins funeste pour cette église du Sacré-Cœur et Notre-Dame de Lourdes, communément appelée “basilique de Cointe”. Après un appel à candidats, qui a écarté l’option 100% logement, la propriété a été cédée au projet porté par le Groupe Gehlen en association avec la société The Wall, tous deux basés à Malmedy. L’annonce avait été faite en janvier 2022: il s’agit d’y monter une structure d’escalade indoor (dont une petite portion culminant à plus de 40 m en ferait la plus haute d’Europe) et d’y construire une nouvelle extension abritant un restaurant panoramique, de 30 à 40 couverts, offrant une vue d’exception sur la Cité Ardente. Une auberge de jeunesse est également prévue, à terme, dans une maison existante. (Le local pour les scouts et le potager collectif seront préservés.)
L’investissement est estimé à 10 millions d’euros de fonds privés, avec peut-être un subside de la Wallonie pour la rénovation des parties classées. Combien? “On ne sait pas encore“, assurent les promoteurs.
Après une consultation des autorités communales et de l’Agence wallonne du Patrimoine, une demande de permis a été déposée, conduisant au démarrage de l’enquête publique il y a une dizaine de jours. Ce qui a naturellement suscité quelques oppositions.
Sportivement, et pour l’image de Liège, il s’agit d’un très beau projet. L’escalade est une pratique en plein essor dans nombre de villes européennes (Bruxelles compte une dizaine de salles), loin des sports de masse, et dont les adhérents cultivent une éthique “slow life” dans l’ère du temps. Or, à Liège, les trois infrastructures déjà existantes sont saturées face au nombre de grimpeurs qui ne cesse de croître.
Côté restaurant, un tel écrin pourrait permettre d’aller cueillir des étoiles gastronomiques, ce qui est l’objectif. Le groupe Gehlen, dans ses partenariats actuels, a déjà des candidats potentiels au niveau.
Située à côté du Mémorial Interallié, la basilique jouxte le monument civil commémorant la participation des alliés à la Première Guerre mondiale. Les deux sont toutefois distincts. Si l’idée de transformer un ancien lieu de culte en temple des loisirs peut heurter certaines âmes, on ne compte plus en Europe les anciennes églises transformées en lofts, hôtels, skatepark, discothèque,… ou même en salles d’escalade. Comme à Manchester où l’on se hisse déjà de prise en prise ou prochainement à Forest (Bruxelles) dans l’église Saint-Antoine de Padoue. Pour ce qui est du projet liégeois “basilique expérience”, la crypte restera dédiée au culte et le chœur demeurera tel quel et accessible gratuitement.
Pourtant, depuis le démarrage de l’enquête publique, une poignée d’opposants cherche à rallier les opinions, notamment sur les réseaux sociaux et spécifiquement dans un groupe consacré à la vie du quartier. Cependant, dans les rues, les affichette apposées aux fenêtres pour protester contre la “Basilique Experience” sont assez rares. Et l’administratrice du groupe Facebook en question, Aurore Desonnay, s’attire les foudres d’un certain nombre de riverains favorables au projet dont elle censure, selon eux, délibérément les publications. Et ça s’engueule! Un ancien conseiller communal, excédé, quitte le groupe face au déni de démocratie.
Si la plupart des revendications relèvent, dans d’interminables argumentations infondées, du phénomène NIMBY (faux regret de la salle de cinéma prévue dans l’avant-projet, salle de mariages inventée, déboisement surestimé, rumeurs d’abandon du projet, confusion entre mémorial et partie religieuse…), la question de la mobilité et de la tranquillité dans le quartier est toutefois légitimement partagée par un certain nombre d’habitants. Même si ils ne voient pas globalement d’un mauvais œil la restauration d’un bâtiment qui fait actuellement pâle figure.
“Il y a déjà de vrais soucis de circulation dans le quartier à certaines heures, notamment le matin. Or la salle sera ouverte de 8h à minuit“, redoute Odile, qui habite à quelques mètres. “On y attend 500 personnes par jour. On ne sait déjà plus circuler à pied sur les trottoirs. Ca va empirer!” Normalement, 100 futures places de parking sont prévues sur le site, en comptant une quarantaine d’emplacements devant le Mémorial, dont les porteurs du projet négocient l’occupation avec la Régie des bâtiments. “40 cordes d’escalade seront installées à l’intérieur, ce qui fait au grand maximum de plus ou moins 120 personnes, si l’on compte celles aussi réparties dans la cafétéria et la zone de bloc“, répond Antoine Lecoq, l’un des porteurs du projet qui gère déjà une salle d’escalade à Malmedy. “Si l’on ajoute la partie restaurant avec 40 couverts, car nous ne pourrons pas faire davantage, et la vingtaine d’enfants au maximum qui viendront pour des fêtes d’anniversaire, on parle de 200 personnes en tout en pleine occupation, plus une dizaine d’employés.”
Bien conscient que, hormis les grimpeurs, tout le monde n’y montera pas à pied ou à vélo et que le parking est peut-être un peu juste, l’homme se veut toutefois rassurant: “On va continuer à travailler sur l’aspect mobilité. La gare est à 7 minutes à pied en marchant normalement. On compte mettre une station d’emprunt de vélos aux Guillemins. Et si notre parking ne sera accessible qu’à la clientèle, nous sommes toutefois disposés à le laisser ouvert aux heures de pointe des écoles qui sont décalés par rapport à nos pics de fréquentation… plutôt en soirée et uniquement en semaine. D’ailleurs, nous prévoyons bien d’organiser des compétitions d’escalade certains week-ends, mais l’on sait qu’elles attirent relativement peu de public en plus des sportifs inscrits. Cela représente 200 personnes et j’en ai l’expérience. OK, le restaurant gastronomique pourrait générer quelques nuisances…. Mais on parle de 20 voitures !”
Sur les grilles devant la basilique, des calicots clamant “Oui au parc, non au parking” ou “Non à la privatisation” sont actuellement apposés par intermittence. Certains les (re)mettent avant que d’autres les arrachent. Signe que les opposants n’ont pas reçu le bon dieu sans confession sur le parvis de la Basilque Expérience. Gageons néanmoins que tout le monde finira par s’arranger, pour qu’aboutisse l’un des projets les plus engageants proposés à Liège ces dernières années.
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